Belle lecture.
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Arche 0241 — Punaise de lit (18 – 11 – 2015) ; par Romain Ternaux |
Jour
après jour, je me levais boursouflé aux quatre coins des membres.
Apparemment, une bande de moustiques me faisait ma fête pendant la
nuit. Hé, Romain, c’est quoi ces piqûres ? Ouais, ça
faisait peur. Des rangées entières de boutons qui démangeaient. La
famille moustique au complet faisait des excursions orgiaques sur mes
bras, et je ne me réveillais même pas ! Bon, au début, je
n’ai absolument rien fait pour y remédier. Du coup, ça a empiré…
Y en avait sur mes jambes, dans mon dos, et même sur mes pieds.
Mon
gros orteil était carrément bleu ! J’ai
acheté un diffuseur anti-moustiques, ça n’a rien changé. On m’a
dit que c’était sûrement une araignée. Une grosse araignée.
Très grosse. J’ai regardé le pus jaune qui grattait, je me suis
mis à flipper. Une tarentule du Brésil était entrée dans
mon appartement !
Pfiouw, je me suis précipité directement à l’adresse indiquée. Une entreprise de désinsectisation chapeautée par la municipalité. C’était dans un coin paumé, dans un immeuble paumé au milieu d’une cour paumée. Vraiment, ça faisait peur ! Des panneaux de travaux un peu partout, « Attention ! », « Danger ! » C’était censé être le QG de la lutte contre l’insalubrité, j’étais pas dans la merde ! Un gros monsieur moustachu m’a reçu, il avait l’air complètement à l’ouest. Très détendu, le gars, j’aurais peut-être dû l’attacher à mon matelas pour lui apprendre son métier ! J’étais en train de me gratter partout, et il m’a joyeusement expliqué qu’ils allaient mettre deux semaines à intervenir. Et surtout, que ça me coûterait 230 €. Oui, 230 € pour un seul passage, sans aucune garantie.
Alors, j’étais là, à ruminer ma haine au supermarché, quand j’ai vu les insecticides. Il y en avait qui étaient spécialisés contre ces saloperies ! Bon, bien sûr, pas de dichlorvos dans la composition. Je suis retourné sur Internet pour me renseigner, parce que je sentais venir l’arnaque : est-ce que cette marque était vraiment efficace ? Apparemment, ça l’était. Peut-être même trop, une sombre histoire d’intoxication de chats leur collait au cul. D’un autre côté, la rumeur voulait que les punaises de lit aient muté : l’utilisation impropre d’insecticides aurait renforcé leur génome, rendant inefficaces tous les produits du commerce…
Non, il fallait que ça marche…
Il
fallait que je la débusque dans tout ce bordel minimaliste qui me
servait de chambre à coucher. En fait, elle ne pouvait que se cacher
dans les piles de vêtements vaguement rangés dans les armoires.
J’avais un vieil aspirateur en fin de vie, alors je l’ai branché
dans l’espoir de la mettre à mort. Ça faisait un bruit de
dingue ! En équilibre sur un tabouret, j’ai inspecté un à
un tous les habits. Je tirais les morceaux de tissu du bout des
doigts, et j’avançais tremblant le tuyau bruyant. La tension
montait au fur et à mesure que les compartiments se vidaient,
j’avais l’impression qu’un monstre allait me sauter au visage,
façon Alien.
Mais
je n’ai rien trouvé.
Rien
du tout.
Pourtant,
les nuits continuaient de passer et les dégâts n’arrêtaient pas.
J’avais plus de pustules sur le corps qu’un crapaud d’Afrique
australe. Je me réveillais à trois heures du matin en sueur, à
allumer la lumière et à regarder si l’araignée n’était pas
sur les murs, voire dans mes draps.
Mais il n’y avait
rien.
Je
devenais dingue, quoi ! J’en étais à me demander si l’ennemi
de la nuit n’était pas moi-même, à me poinçonner la peau dans
mon sommeil. Un genre de Fight Club version
Horla.
Et
puis, sur Internet, j’ai trouvé.
Recherche :
« Répulsifs à araignées », et de fil en aiguille, de
forums en blogs et de site spécialisés en plateformes commerciales, la cause de tout cela.
Piqûres de moustiques sans moustiques, boutons d’araignées sans
araignées, ennemis nocturnes sans sommeil. C’était signé !
Nom
de la coupable : Cimex lectularius,
alias la (salope de) punaise de lit. Ou plutôt les (sales
engeances de traînées de saloperies de) punaises de lit, parce
qu’il y en avait combien ?
« Une
punaise de lit peut pondre jusqu’à quinze œufs par jour. »
Argh !
Le
site expliquait en gros : « Très fréquente avant la
Deuxième Guerre mondiale, la punaise de lit est un parasite qui a
quasiment disparu grâce à l’utilisation massive du dichlorvos.
L’interdiction de ce produit chimique pour des raisons écologiques
a permis la réapparition de la punaise dans les années 1990. »
Je
hais l’écologie !
« De
la taille d’un pépin de raisin, les punaises de lit fuient la
lumière et se cachent dans les endroits sombres pendant la journée.
Elles ne sortent que la nuit, attirées par le gaz carbonique que
l’homme rejette quand il dort. »
Pire
que des chauve-souris vampires, les bordels !
« Les
punaises de lit ne transmettent pas de maladies. »
Encore
heureux !
« La
présence de punaises de lit n’est pas liée à l’hygiène. On
peut même en trouver dans des hôtels de luxe. »
Merci
bien !
« Elles
s’attrapent le plus fréquemment dans des lieux à usages communs
comme les chambres d’hôtels ou les laveries. »
Enfoirés
de clochards du lavomatic !
« Tout seul,
il est quasiment impossible de venir à bout des punaises de lit. »
Argh,
argh, argh !
« Dans
des cas de sur-infestation, des immeubles entiers ont dû être
rasés. »
Argh,
argh, argh, argh, argh, argh, argh…
« Des
solutions existent. Faites appel à l’un de nos professionnels pour
éviter la condamnation de votre habitat. »
Pfiouw, je me suis précipité directement à l’adresse indiquée. Une entreprise de désinsectisation chapeautée par la municipalité. C’était dans un coin paumé, dans un immeuble paumé au milieu d’une cour paumée. Vraiment, ça faisait peur ! Des panneaux de travaux un peu partout, « Attention ! », « Danger ! » C’était censé être le QG de la lutte contre l’insalubrité, j’étais pas dans la merde ! Un gros monsieur moustachu m’a reçu, il avait l’air complètement à l’ouest. Très détendu, le gars, j’aurais peut-être dû l’attacher à mon matelas pour lui apprendre son métier ! J’étais en train de me gratter partout, et il m’a joyeusement expliqué qu’ils allaient mettre deux semaines à intervenir. Et surtout, que ça me coûterait 230 €. Oui, 230 € pour un seul passage, sans aucune garantie.
Je
me suis barré vite fait.
Sur
les forums que j’avais visités, les Internautes parlaient de 60 €
pour deux passages (les œufs sont quasiment indestructibles, il faut
normalement revenir deux semaines après en cas d’éclosions, je
sais que c’est dégueulasse.) Mais je me suis rendu compte que
c’étaient des messages postés en 2008. En un peu plus de 5 ans,
voyant la prolifération des punaises et la détresse qui se
répandait, les enculés avaient multiplié leurs tarifs par dix, le
bon filon ! Nouveau fléau capitalisto-biblique, pourquoi ça
m’arrivait à moi ? Autant vous dire que les 230 €, je
ne les sentais pas, et surtout, je ne les avais pas.
Alors, j’étais là, à ruminer ma haine au supermarché, quand j’ai vu les insecticides. Il y en avait qui étaient spécialisés contre ces saloperies ! Bon, bien sûr, pas de dichlorvos dans la composition. Je suis retourné sur Internet pour me renseigner, parce que je sentais venir l’arnaque : est-ce que cette marque était vraiment efficace ? Apparemment, ça l’était. Peut-être même trop, une sombre histoire d’intoxication de chats leur collait au cul. D’un autre côté, la rumeur voulait que les punaises de lit aient muté : l’utilisation impropre d’insecticides aurait renforcé leur génome, rendant inefficaces tous les produits du commerce…
On
allait bien voir !
J’ai
aspergé toute ma chambre, le spray en entier ! D’ailleurs,
c’était peut-être pas une super idée : j’avais la tête
qui tournait, ma gorge me faisait super mal ! Un peu d’aération,
puis dodo.
Miracle le
lendemain : plus aucune piqûre !
Déprime le
surlendemain : de nouveau des piqûres… Pourtant, j’avais
tout quadrillé jusqu’aux moindres recoins !
J’ai
racheté le produit, j’en ai acheté d’autres, j’ai acheté
toute la gamme ! Il y avait même un créateur de brouillard
chimique ! Tu le places au milieu de la pièce, sur un tabouret,
tu appuies sur le bouton, pcccchhhh,
une fumée se dégage vers le plafond. C’est beau, un véritable
champignon atomique de gaz ! J’ai imaginé la joie des punaises,
dans le pire des cas d’immunisation, à admirer le show avec des
lunettes de soleil. Hé, venez voir, le gros con nous offre un
spectacle son et lumière !
Non, il fallait que ça marche…
Tu
fermes la portes, tu laisses agir deux heures, tu aères. Mais
rebelote dans les jours qui ont suivi, plus aucune piqûre, puis des
piqûres. Peut-être encore plus agressives ! Ça les aurait agacées,
les insecticides ? La théorie défaitiste du nouveau génome
battait son plein dans ma tête, alors j’ai décidé d’être plus
méthodique. La chambre avait été passée au crible chimique,
d’accord. J’avais jeté un premier matelas, la plupart de mes
vêtements, et lavé tout le reste à 90 degrés, d’accord. Mais
j’ai examiné l’autre matelas, celui sur lequel je dormais, et
j’ai vu les taches noires ! Celles
des déjections, signe de l’infection, des punaises
faisaient caca depuis l’intérieur ! Je
l’ai jeté aussi, racheté des sprays, un chiffon sur le nez, je me
croyais dans Starship Troopers,
toujours plus de gaz, toujours plus de champignons atomiques, et ma
tête qui tournait, ma gorge qui grattait et mes yeux qui pleuraient.
J’ai acheté un lit d’appoint gonflable et j’ai dormi dans ma
cuisine pendant plusieurs semaines. J’ai laissé la fenêtre de ma
chambre ouverte pour qu’elles se prennent l’hiver dans la trompe.
Je crois que
maintenant, j’en suis définitivement débarrassé.
Haha, je vous ai
bien eues, saloperies !
Ouais…
Attendez, ça me
gratte le bras, là…
Merde…
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